Amir Temur

Tamerlan (en mongol : Timur Lang) ou Timour le boiteux, Timour le grand, né le 8 avril 1336, à Kech, près de Chakhrisabz (actuel Ouzbékistan), mort le 18 février 1405 à Otrar (actuel Kazakhstan), est un guerrier turco-mongol3 du XIVe siècle, conquérant d’une grande partie de l’Asie centrale et occidentale, fondateur de la dynastie des Timourides qui a existé jusqu’en 1857.

 

Devenu émir de Transoxiane, Tamerlan se révéle un redoutable chef de guerre, bâtissant un immense empire reposant sur la puissance militaire et sur la terreur. Les historiens parlent souvent de « catastrophe timouride » tant ses destructions et massacres ont été spectaculaires. Lors de ses conquêtes, il n’hésite pas à massacrer la totalité de la population des villes qui lui résistent, à l’exception des artisans qu’il déporte à Samarcande, sa capitale. C’est à ce titre qu’il se montra aussi protecteur des arts et des lettres qui firent la grandeur de Samarcande.

 

Après la mort de Tamerlan en 1405, son empire, gouverné par ses descendants (les Timourides), est grignoté par les puissances voisines jusqu’à l’assaut final des Ouzbeks de la dynastie des Chaybanides.

 

Les noms de Tamerlan

 

Le nom de naissance de Tamerlan est Timour. La légende veut que, s’en allant montrer son fils au shaykh, son père l’aurait interrompu, durant la lecture du Coran, sur le mot tamarrou (« ébranlement »). Ce mot arabe est modifié pour donner timur, « fer » en turco-mongol (cf. mongol tömör et turc demir). Ce nom de Timour peut être rapproché du nom de naissance de Gengis Khan, Temüdjin.

 

Timour Lang/Tamerlan

 

Timour Lang signifie Timour le Boiteux (lang : du verbe persan langidan [laŋidan], boiter).

 

« Tamerlan » est une transcription de Timour Lang, qu’on retrouve telle quelle en allemand, en espagnol et en russe, légèrement modifiée en italien (Tamerlano), en anglais (Tamerlane, avec une variante littéraire Tamburlaine, mais aussi Timur).

Le suédois a une transcription plus proche de l’original : Timur Lenk.

 

Amir Temur

 

En Ouzbékistan, Tamerlan est appelé Amir Temur, forme qui inclut le titre d’origine arabe amir (émir).

 

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Biographie

 

Une naissance entourée de légendes

 

Il est communément admis que Tamerlan est né le 8 avril 1336, à Kech, un village près de Shahrisabz. Toutefois, ses apologistes lui attribuent un destin d’exception bien avant sa naissance. En effet, son père, Taragaï, vieux chef turc, fervent musulman, à la tête du clan Barlas, qui attendait un héritier, aurait eu un rêve prémonitoire. Un ange, sous les traits d’un beau jeune homme, lui apparaissait, lui tendant une épée. Ce rêve fut interprété par le shaykh local comme l’annonce que son fils allait conquérir le monde à la pointe de son épée.

 

Il est également dit que l’enfant serait né les mains pleines de sang, rappelant ainsi la naissance de Gengis Khan, telle qu’elle est contée dans l’Histoire secrète des Mongols.

 

Jeunesse

 

Vestiges d’Ak Saray (1380), « Le palais blanc », à Chakhrisabz, ville natale de Tamerlan

 

Son père, Taragay, était à la tête des tribus Barlas. Il était l’arrière-petit-fils de Karachar Noyan et se distingua parmi les autres membres de son clan comme étant le premier à se convertir à l’islam. Taragay aurait pu assumer les hauts rangs militaires qui lui étaient dus par héritage, mais comme son père Burkul, il préféra se consacrer à ses études.

 

Sous la gouverne paternelle, l’éducation du jeune Tamerlan faisait de lui à la fois un adepte des exercices virils en extérieur et un lecteur attentif du Coran. À cette période, si on peut se fier à ses Mémoires (Malfu’at), il était d’une nature tendre et sympathique.

 

Chef militaire

 

Plan de l’empire Timouride en 1405

 

À seize ans, Timur rejoint le service de Kazghan, un turc qui a assassiné le dernier khan djaghataïde Qazan. Montant vite en grade, il devient chef militaire sous ses ordres. Toutefois, l’assassinat de Kazghan en 1357 retarde ses rêves d’ascension.

 

Réagissant à la mort d’émir, le khan du Mogholistan, Tughluk Temür envahit la Transoxiane et tente la réunification du khanat de Djaghataï. Timur décide alors de le soutenir et est nommé conseiller du nouveau gouverneur, Ilyas Khodja, fils du khan, en 1361. Malheureusement, Ilyas ne parvient pas à rallier les populations turques musulmanes ni l’aristocratie, et Timur craignant la révolte quitte Samarcande pour rejoindre son beau-frère Husaïn, le petit-fils de Kazghan. Ainsi entama-t-il la lutte pour l’accession au trône.

 

Accession au pouvoir

 

La mort de Tughluk facilita la reconquête ainsi que l’ajout d’un vaste territoire. Durant cette période, Tamerlan et son beau-frère Husayn, dans un premier temps associés, devinrent rivaux et opposants. À la fin de 1369, Husayn fut assassiné et Tamerlan, ayant été proclamé officiellement souverain à Balkh, monta sur le trône à Samarcande, la capitale de ses possessions.

 

Il est notable que Tamerlan ne se décerna jamais le titre de Khan, se dénommant lui-même « amir al-kabir » (« grand prince » en arabe). De plus, il plaça sur le trône de Transoxiane un « khan fainéant », Soyurgatmich, descendant de Gengis Khan, afin d’aller en conformité avec la loi mongole (le yasak). Enfin, il prit pour épouse une veuve de Husayn, Saray Mulk Khanum, à qui il dédiera plus tard une mosquée. Cette veuve est la fille du khan gengiskhanide Qazan. De fait, Timur devient « gendre impérial », kurgen en turc, et peut se réclamer de la lignée de Gengis Khan.

 

Période d’expansion

 

Pourtraits et Vies des Hommes Illustres, 1584

 

Les trente années suivantes furent passées dans plusieurs guerres et expéditions. Non seulement, Tamerlan consolida son pouvoir chez lui en subjuguant ses ennemis, mais il chercha aussi à étendre son territoire en empiétant sur les terres des potentats voisins. Ses conquêtes au sud et au sud-ouest inclurent à peu près toutes les provinces de Perse(Iran), y compris Baghdad, Karbala et le Kurdistan.

 

Un de ses plus redoutables opposants fut Tokhtamych qui, après avoir été un réfugié à la cour de Tamerlan, devint dirigeant de l’est du Kiptchak et de la Horde d’Or et se disputa avec Tamerlan sur la possession du Khwarizm. Tamerlan soutint Tokhtamych contre les Russes. Tohktamysh, armé du soutien de Tamerlan, envahit la Russie et prit Moscou en 1382. Plus tard, Tohktamysh se retourna contre Tamerlan et envahit l’Azerbaïdjan en 1385. Ce ne fut qu’en 1395 à la bataille de la rivière Kur que le pouvoir de Tohktamysh fut finalement défait.

 

En 1383 Tamerlan prit Herat, en Perse (dans l’actuel Afghanistan), qui après la mort d’Abu Said (1335), maître de la Dynastie Ilkhanide, n’était plus contrôlée par aucun pouvoir.

 

 

Inde

 

En 1398, alors que Tamerlan était âgé de plus de soixante ans, Farishta nous dit qu’« informé des troubles et guerres civiles en Inde », il « commença une expédition dans ce pays » et le 12 septembre 1398, « arriva sur les bords de l’Indus ». Il fait 100 000 prisonniers, aussitôt abattus et ses soldats faisaient des pyramides de têtes ennemie. Son passage du fleuve et sa marche le long de sa rive gauche, les renforts qu’il fournit à son petit-fils Pir Muhammad (qui fut investi à Multan), la prise de villes et villages, probablement accompagnée de la destruction des maisons et du massacre des habitants, la bataille avant Delhi et les victoires faciles, l’entrée triomphale dans la ville maudite, avec son cortège d’horreurs, toutes ces circonstances appartiennent aux annales de l’Inde. Il est dit que la dévastation de Delhi ne fut pas dans les intentions de Tamerlan, mais que ses hommes ne pouvaient tout simplement pas être contrôlés après être arrivés aux portes de la ville. Les victimes sont nombreuses et les survivants réduits en esclavage.

 

Dernières campagnes

 

L’empire de Tamerlan

 

En avril 1399, quelque trois mois après avoir quitté la capitale de Mahmud Toghluk, Tamerlan fut de retour dans sa capitale au-delà l’Oxus (Amou-Daria). La corruption diminua drastiquement. Selon Ruy Gonzáles de Clavijo, l’ambassadeur de Castille venu à la cour de Tamerlan en 1404, quatre-vingt-dix éléphants furent employés uniquement pour transporter les pierres depuis certaines carrières pour lui permettre d’ériger une mosquée à Samarcande.

 

Mausolée Gour Emir à Samarcande abritant la tombe de Tamerlan

 

La guerre avec les Turcs et les Mamelouks, qui survint à son retour d’Inde, fut rendue fameuse par la prise d’Alep et de Damas. Il envahit Bagdad en juin 1401 ; après la prise de la ville, vingt mille citadins furent massacrés. Tamerlan ordonna que chaque soldat devrait revenir avec au moins deux têtes humaines à montrer. En 1402, Tamerlan envahit l’Anatolie et défit le sultan ottoman Bayezid Ier à la bataille d’Ankara. L’histoire raconte que lorsque Bayezid fut amené enchainé dans la tente de Tamerlan, celui-ci éclata de rire. « Tu as tort de te moquer de moi, regarde ce qui m’est arrivé, cela pourrait aussi bien t’arriver ! ». Ce à quoi Tamerlan répondit « Je ne me moque pas de toi mais de l’ironie d’Allah qui a partagé le destin du monde entre un borgne et un boiteux».

 

La légende selon laquelle Bayezid Ier aurait été mis en cage paraît douteuse mais il est probable que Tamerlan l’ait gardé auprès de lui. Sa femme et ses filles furent transférées dans le harem de Tamerlan. Bayezid mourut plus tard en captivité, probablement en se suicidant par empoisonnement. Cette victoire sauva vraisemblablement temporairement (c’est-à-dire pour une cinquantaine d’années) l’Empire byzantin moribond, en abattant les forces turques qui projetaient alors la prise de Constantinople. Après avoir capturé Ayasoluk (Éphèse) à l’automne 1402, Tamerlan prit également Smyrne aux Chevaliers de Rhodes et massacra ses habitants. En 1403, il dévasta la Géorgie, détruisant 700 bourgs, massacrant les populations et abattant toutes les églises de Tiflis.

 

En décembre 1404, Tamerlan entreprit une expédition militaire contre la Chine, mais le vieux guerrier fut attaqué par la fièvre et la peste quand il campa sur la rive la plus éloignée du Sihon (Syr-Daria) et mourut à Atrar (Otrar) à la mi-février 1405.

 

Markham, dans son introduction aux récits de l’ambassade de Clavijo, raconte que son corps « fut embaumé à l’aide de musc et d’eau de rose, entouré dans du linge, couché dans un cercueil d’ébène et envoyé à Samarcande où il fut enterré ». Il repose au Gour Emir.

 

Conquérant exceptionnel, qui transporta ses armes victorieuses d’un côté de l’Irtych et de la Volga jusqu’au golfe Persique et de l’autre côté de l’Hellespont jusqu’au Gange, Tamerlan fut d’une férocité extrême. Selon René Grousset, « il représente la synthèse de la barbarie mongole et du fanatisme musulman, et cette étape supérieure du besoin ancestral de meurtre qu’est le meurtre perpétré au service d’une idéologie abstraite, par devoir et mission sacrée ».

 

La succession de Tamerlan

 

Son immense empire ne lui survécut guère car il ne s’est jamais soucié d’efficacité politique dans les territoires qu’il a conquis et n’a jamais créé d’administration.

 

Son fils aîné Djahangir est mort en 13757, son second fils Omar Cheikh Ier est mort en 1391. Tamerlan a alors désigné son petit-fils Pir Muhammad, fils de Djahangir, comme successeur. Il avait prévu d’attribuer à chacun de ses descendants un fief sous l’autorité suprême de Pir Muhammad, mais cela aboutit à un morcellement de l’empire :

Pir Muhammad, fils de Djahangir, premier fils de Tamerlan, gouverne l’Afghanistan oriental (Balkh, Kaboul et Kandahar)

Les fils d’Omar Cheikh Ier, second fils de Tamerlan, règnent sur le Fars (Chiraz) et l’Irak `Adjémî (Hamadhan et Ispahan)

Miran Shah, le troisième fils de Tamerlan, règne sur le Moghan, l’Azerbaïdjan (Tauris) et l’Irak `Arabî (Bagdad) celui-ci ayant quelques troubles mentaux était sous la tutelle de son fils ‘Omar-mîrzâ

Shah Rukh, le quatrième fils de Tamerlan, reçoit le Khorasan (Hérat).

 

Contribution aux arts

 

Tamerlan est connu comme un protecteur des arts. La plus grande partie de l’architecture qu’il a commissionnée est encore visible à Samarcande.

 

Selon la légende, Omar Aqta, le calligraphe de la cour de Tamerlan, transcrivit le coran avec des lettres si petites que le texte entier du livre tenait sur un sceau. Il est également dit qu’Omar avait créé un Coran tellement grand qu’une brouette était nécessaire pour le transporter. Des feuilles de ce qui était probablement ce grand Coran ont été trouvées, écrites avec des lettres d’or sur des pages énormes.